Annie Colère
En février 1974, Annie (jouée par la talentueuse Laure Calamy) est enceinte et souhaite mettre un terme à cette grossesse non-désirée. Mais, à cette époque, l’avortement est hors-la-loi en France et est puni d’une amende et d’une peine d’emprisonnement pour quiconque le subit, le pratique ou apporte son aide pour ce faire. Pour les personnes souhaitant malgré tout y recourir, les solutions de contournement de la loi qui se présentent sont inadaptées car dangereuses (méthodes « artisanales », sans précautions sanitaires (aiguilles à tricoter, cintres, …)), très coûteuses (se rendre dans un pays où cela est autorisé, comme en Angleterre ou aux Pays-Bas), incertaines et précaires.
Dans ce contexte, le Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC) est créé en 1973 et se décline en plusieurs entités locales partout en France. Regroupant principalement, des militant.es du Planning familial, du Mouvement de libération des femmes et du Groupe information santé, le groupe œuvre pour la diffusion d'une information sexuelle et fait pression sur le gouvernement pour obtenir un changement de loi en faveur de la libre contraception et du libre avortement. Annie est ainsi accueillie au sein d’une antenne locale du MLAC, qui pratique des IVG dans de bonnes conditions, da manière illégale mais sans s’en cacher, par des personnes formées à la méthode de Karman (avortement par aspiration). Elle finit par rejoindre le groupe en s’y impliquant concrètement pour permettre à d’autres de bénéficier d’un avortement sécurisé. Annie s’investit dans cette lutte, de manière progressive, et s’épanouit auprès de ses camarades, tou.tes guidé.es par les principes d’aide concrète aux femmes et de partage des savoirs.
Le film apporte une vue de l’intérieur d’un collectif tel que le MLAC, des rapports entre personnes qui y sont impliquées, des difficultés auxquelles elles sont confrontées, des peines et des joies rencontrées. Le film est empli d’émotions et de moments de sororité sans pareil. L’avortement y est avant tout montré comme un soulagement, mais non moins empreint de détresse pour certaines, de solidarité, d’écoute, de compassion et d’empathie. La tendresse y côtoie la rigueur et le militantisme sans faille des membres du MLAC et le film présente des personnages aux convictions sans équivoque, prêt.es à se mettre dans l’illégalité pour aider leurs compagnonnes de fortune. Le film met également en exergue des problématiques et questionnements de l’époque sur le sujet, qui résonnent encore fortement aujourd’hui. Il donne ainsi à voir la perception et la réception de tels mouvements, de leurs pratiques et de leurs revendications par les proches des militant.es, la société, ainsi que le traitement politique et médiatique qui en est fait. Plus encore, la lumière est faite sur les tensions entre médecins et non-médecins formé.es à la méthode de Karman, au sujet de l’aptitude à pratiquer un avortement, de la légitimité des médecins à intervenir alors que des infirmières ou des sages-femmes n’ont certes pas le titre mais l’expérience quotidienne des accouchements et des soins prodigués.
Annie Colère rappelle que le droit à l’IVG est une lutte du quotidien, encore aujourd’hui, tant il est un acquis fragile, récent, et tant il reste encore un sujet malheureusement clivant. Le film interpelle sur la question toujours actuelle du partage du savoir et du pouvoir sur les corps, ici des femmes, et sur l’importance de leur réappropriation, pour soi et à des fins de luttes politiques.
Et la bande annonce bien sûr, elle est là.
