La réforme de l'assurance-chômage, un brèche de plus dans la protection des plus précaires

Depuis 2018, la contribution salariale d’assurance-chômage a été supprimée, remplacée par un impôt. Plutôt qu’un droit gagné par la redistribution d’une partie des salaires, le chômage devient une aide entre les mains et le bon vouloir de l’État. Cette modification dans le mode de financement a ouvert la marche d'un ensemble de mesures visant à restreindre et réduire les indemnités-chômage.

Depuis le 1er novembre 2019 plusieurs mesures de la réforme de l'assurance-chômage sont entrées en application, durcissant les conditions d'accès aux indemnités.
  • Il faut avoir travaillé au moins 6 mois (et non plus 4 mois) sur une période de 24 mois (et non plus 28 mois) pour espérer ouvrir des droits
  • Ces droits ne sont plus rechargés dès le premier mois travaillé : il faut de nouveau travailler 6 mois pour les recharger.
  • Cette baisse des réexamens (rechargement de droits) induit une baisse du nombre de chômeur.se.s indemnisé.e.s par Pôle Emploi qui n'indemnisait déjà que 43 % d'entre elleux. Un tiers des personnes qui auraient ouvert des droits avant la réforme ne le pourront plus.
A partir du 1 er avril 2020 de nouvelles mesures s'appliqueront. Elles concernent cette fois le mode de calcul des indemnités, entraînant une baisse de leur montant :
  •  Le montant des allocations ne sera plus calculé en faisant la moyenne des mois à « salaires  normaux ». Les périodes de chômage, les inter-contrats, les congés maladie, maternité qui interviendront dans la période de référence entreront désormais dans le mode de calcul.
  • Les indemnités ainsi calculées en seront automatiquement réduites, en particulier pour celleux qui enchaînent contrats courts et inactivité. La période de référence étant allongée, la survenue de ce type d'épisodes est en outre plus probable.
  • Toustes les bénéficiaires vont être touché.e.s. Ce mode de calcul induit cependant une  discrimination pour les personnes malades et/ou selon la nature du contrat de travail si celui-ci est court.

  • Des réévaluations seront possibles mais sur réclamation, ce qui réduit le nombre des bénéficiaires : il faut en être informé.e et engager les démarches.
  • On s’oriente vers une dématérialisation croissante des services, vers la fin de l'accueil physique, et une automatisation du travail des agent.e.s Pôle Emploi.
Cette réforme va toucher en premier lieu les personnes dont le travail est précaire, intérimaire, saisonnier, à temps partiel, court, etc. Les catégories les plus pauvres et les plus discriminées seront les plus impactées : les femmes, les personnes queer et trans, les personnes exposées au racisme, les jeunes, les personnes âgées, malades, handicapées, les plus faiblement diplômées.



Les femmes 

Les femmes seront, comme pour la réforme des retraites et pour les mêmes raisons, les premières touchées par la réforme de l'assurance-chômage. Reléguées aux emplois les plus précaires, les moins bien rémunérés et principalement touchées par les temps partiels subis, elles écopent d'une moindre protection sociale par les indemnités-chômage, qui va encore se dégrader.
  • L'emploi des femmes est moins bien rémunéré que celui des hommes : les femmes gagnent en salaire 25% de moins que les hommes (temps incomplets compris), 15% de moins que les hommes si l'on ne considère que les temps complets. A poste, âge et niveau d'études égaux, les femmes gagnent 9% de moins que les hommes.
  • Les femmes sont plus touchées que les hommes par la précarité du travail et le sous-emploi. Elles occupent majoritairement les secteurs à CDD (nettoyage, services à la personne), contrats précaires, temps partiels, et où le cumul de petits boulots est fréquent. Elles représentent 70 % des travailleur.e.s pauvres, 1,2 sur 1,7 millions de personnes en situation de sous-emploi et occupent 80% des emplois à temps partiels.
  • Leurs indemnités sont déjà inférieures de 20% à celles des hommes (en moyenne 200 euros de moins, soit 868 euros par mois, l’écart passe à 31% pour les 60 ans) et elles vont voir leurs montants encore baisser.
  • La réponse du gouvernement pour sanctionner les abus d'embauches en CDD (système de bonus-malus) ne s'appliquera par aux secteurs dans lesquels les femmes travaillent majoritairement.
Les personnes immigrées (hors UE) qui sont deux fois plus souvent au chômage que les personnes né.e.s en France. En cause : une moindre qualification, des réseaux de relations moins porteurs dans le monde du travail, l'exclusion de fait d'un poste sur 5 pour défaut de nationalité ou de diplôme reconnu, la discrimination à l'embauche (cas notable des femmes portant le foulard). Les descendant.e.s d'immigré.e.s sont touché.e.s dans une moindre mesure mais pâtissent toujours d'une moins bonne insertion professionnelle et sont plus nombreux.ses que la moyenne à être employé.e.s en CDD ou en intérim, en raison de discrimintations, du décrochage scolaire, de diplômes moins valorisés sur le marché du travail. C'est particulièrement vrai pour les enfants d'originaires d'Afrique.

Les habitant.e.s des DOM – TOM dont le taux de chômage est 2 à 3 fois plus fort qu’en métropole (moins d’une personne sur deux âgée de 15 à 64 ans occupe un emploi, contre deux sur trois en métropole). Les femmes et les jeunes sont particulièrement touché.e.s, de même que Mayotte seul territoire de l'UE dont le taux d’emploi est inférieur à 35 %. En cause : la rareté de l’emploi, une qualification moindre, les discriminations. Ces territoires seront davantage pénalisés par la dématérialisation, en raison d'un sous-équipement des foyers en matériel informatique et d'une connexion moins accessible du fait de son coût supérieur à celui de la métropole.

Les personnes handicapé.e.s, plus âgées et moins qualifiées que les autres demandeur.se.s d'emploi, connaissent un taux de chômage deux fois plus élevé que celui de la moyenne nationale et restent plus longtemps au chômage (807 jours en moyenne contre 614 pour les valides). Les personnes malades chroniques seront quant à elles impactées par l'abandon de la prise en compte du salaire de référence pour le calcul des indemnités, et le seront d'autant plus que leurs arrêts maladies seront longs et / ou fréquents.

Les seniors, plus marqué.e.s par le chômage de longue durée et qui occupent plus souvent des emplois à temps partiel (choisi plutôt que subi), et parce qu'avec la réforme la durée maximale d’indemnisation des plus de 50 à 55 ans est passée à 2 ans, au lieu des 3 ans toujours valable pour les plus de 55 ans. Les jeunes qui, en métropole, sont 45 % à avoir un emploi, et les non-diplômé.e.s dont le chômage est 3 à 4 fois supérieur et dont l'insertion sur le marché du travail est de en plus en difficile.



Les réductions répétées de la protection sociale, consécutives à la réforme de l'assurance-chômage, des retraites, des minimas sociaux, de la CAF,  vont plonger une grande partie de la population dans une pauvreté profonde et durable.

A Lyon plusieurs collectifs luttent contre cette réforme. Les prochains rendez-vous :

- Vendredi 13 mars à partir de 18h30 - La Luttine - 7ième

La Brigade des Fauché.e.s réunit chaque vendredi une AG Précaires-Chômeuses-Chômeurs pour échanger et s'organiser. Prochaine AG vendredi 13 mars 18h30 à La Luttine (métro Saxe Gambetta). Leur appel est à retrouver sur Rebellyon : https://rebellyon.info/Travail-chomage-retraite-la-guerre-aux-21878


- Vendredi 13 mars 14h-12h - Université Lyon 2 - Campus de Bron - salle H227

Rencontres interpro autour de la réforme du chômage dans le contexte d'une semaine de mobilisation, en présence du Collectif Poison d'Avril, de la CGT chômeur.se.s / précaires et de travailleur.se.s sociaux et précaires.

A lire pour aller plus loin  :

Sur les changements dans le mode de financement des l'assurance-chômage : https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/assurance-chomage-les-discretes-manoeuvres-financieres-derriere-la-reforme-821397.html

La BD d'Emma (dont nous avons tiré les illustrations de cet article) pour une synthèse des principales mesures de la réforme : « C'est comment qu'on survit ? » https://emmaclit.com/2019/11/29/2020/

Un article de Mediapart sur les conséquences de la réforme à partir de cas concrets : https://www.mediapart.fr/journal/economie/281019/ce-que-le-gouvernement-fait-aux-chomeurs

Un article de Bastmag sur le cas spécifique des femmes :  https://www.bastamag.net/La-double-peine-des-femmes-au-chomage-moins-visibles-et-moins-indemnisees-que

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