Egalité ? Quelle égalité ?
La
Quinzaine pour l’égalité femmes-hommes organisée par la région Rhône-Alpes
vient de démarrer. Au menu : une centaine d’événements dans tous les
départements pour évoquer la question de l’égalité entre les sexes sous l’angle
du droit, du travail, du sport, de l’éducation, de la culture, etc.
On
ne peut que se féliciter qu’une instance politique comme la région
s’intéresse à ce thème et le rende visible à travers toute une campagne
d’information (affiches, site, conférences). Une telle initiative incite
associations, MJC, Bibliothèques, compagnies de théâtre à se mobiliser sur la
question. Elle contribue à légitimer et à faire connaître au public (en plus de
subventionner) certaines actions menées déjà depuis longtemps.
Cette
année par exemple, le Planning Familial du Rhône a ainsi pu trouver le
financement pour un projet avec la compagnie Les Désaxés : une série de
saynètes sur le sexisme, la notion de consentement, les rapports entre filles
et garçons, ont été présentées aux élèves de deux Maisons Familiales Rurales de
l’ouest lyonnais. Les représentations se sont suivies d’un débat avec des
intervenantes du Planning Familial, une manière de diversifier notre approche
de l’éducation à la sexualité.
On
pourra aussi relever dans le programme :
- Des
actions de sensibilisation auprès des enfants menées par Filactions à la
bibliothèque du 3ème,
- Une
table-ronde autour de l’autodéfense féministe organisée par l’association
Autodéfense et Autonomie,
- Plusieurs
créations d’artistes, de compagnies
connues pour leur implication autour de ces thèmes : Cie Les Montures du
temps, Cie Anda Jaleo, Le Théâtre du Grabuge…
Tout ça
c’est bien joli, mais c’est pas pour chipoter, il y a quand même dans ce programme
quelques choix qui nous interrogent
voire même nous énervent fortement.
Ainsi
le "féminisme"
chic du magazine ELLE mérite-t-il
une place dans une telle manifestation ? Je pense qu’on peut être
lectrice de magazine féminin et se reconnaître dans les combats féministes,
mais de là à faire du journal le « partenaire », c’est-à-dire sponsor
de la quinzaine, c’est oublier que pour une page « société »
vaguement égalitaire, sont diffusés des centaines de messages normatifs sur le corps des femmes, et
des pages entières de pubs plus ou moins déguisées pour les produits
beauté/minceur/anti-âge des grandes marques.
Ensuite, quand
on voit comme invité pour le « Grand Débat » (avec Laure Adler), le
pédiatre médiatique Aldo Naouri dont les positions sur le retour de l’autorité
paternelle, la « toute-puissance » des femmes, et les risques d’une
indifférenciation des rôles sexuels sont bien connues et complaisamment
diffusées, on peut se demander si l’on assiste pas à la montée d’un "féminisme"
masochiste.
Et
enfin quand on apprend que la région finance dans le cadre de la quinzaine
(mais sans que cela n’apparaisse dans le programme ??!) une conférence
menée par une association masculiniste notoire, les bras nous en tombent (BLAM !). Certes, selon une
tactique bien éprouvée, l’association GES (Groupe d’Etudes sur les Sexismes) n’avance
pas frontalement, et choisit comme thème de débat « Les ¨ hommes battus¨, qui sont-ils ? Comment les
aider ? ». Ben oui, personne ne souhaite que les hommes soient
battus, et puis c’est vrai qu’on parle plus des femmes victimes de violence,
c’est louche non comment elles ramènent la couverture à elles : et que je
me plains de ne pas trouver de centre d’hébergement, et que la police n’a pas
voulu prendre ma plainte, et que la procédure d’éloignement du conjoint n’est
quasiment jamais appliquée…
Je n’ose
croire que les organisatrices de cette quinzaine aient pu avoir ce raisonnement d’une
naïveté confondante, alors que ce genre de débat constitue pour les associations
masculinistes une porte d’entrée
classique pour parler du « sexisme à rebours » de notre société
occidentale gagnée par un féminisme dominant, où les hommes aujourd’hui sont de
pauvres choses brimées et discriminées (on rigole mais c’est quasiment mot pour
mot ce qu’on trouve sur leur site).
A
moins qu’il ne s’agisse d’un véritable positionnement. Si l’on revient à
l’intitulé de cette manifestation : le terme d’égalité permet de créer du
consensus, d’éviter de trop politiser la question, de ne surtout pas être
étiqueté comme féministe. Mais à gommer ainsi le caractère politique du
féminisme, on oublie qu’on parle d’un rapport social de domination, d’une
hiérarchie entre les sexes, d'une dissymétrie où les termes femme et homme ne sont pas interchangeables. A ne pas définir ce qu’on entend par
« égalité », on se retrouve avec de multiples visions de l’égalité, dont
certaines carrément anti-féministes.
Même si l’on est d’accord qu’il y a plusieurs courants dans le féminisme et que cette diversité contribue à la richesse des débats, il faut quand même poser des limites au n’importe quoi ! Le Planning 69 en tout cas va interpeller la Région sur son soutien au mouvement masculiniste.
Antoinette
FonK
Sur la question du masculinisme, une première approche synthétique et une bibliographie sur :
http://rebellyon.info/Attention-danger-Masculinisme.html
Sur la question du masculinisme, une première approche synthétique et une bibliographie sur :
http://rebellyon.info/Attention-danger-Masculinisme.html