La loi Veil : « liberté » pour les femmes ?




Alors qu’on vient de fêter les 40 ans de la loi autorisant l’IVG en France, voici un article qui revient sur le contexte du vote de cette loi, et notamment sur la façon dont elle a été reçue par les féministes. Cet article vient de paraître dans le dernier D’Ebats Féministes. Il a été écrit par Christiane, qui s’est battue pour le droit à l’avortement dans les années 70, et qui est toujours militante au Planning Familial 69 (Super Féministe l’avait interviewée l’année dernière).






La loi promulguée le 17 janvier 1975 n’est pas la loi Veil, elle est la loi DES femmes qui, nombreuses, unies et déterminées se sont battues pour l’arracher. Cette loi n’aurait pas existé sans, aux côtés de Simone Veil, Gisèle Halimi, Simone de Beauvoir, Monique Antoine[1], Annie Ferrey-Martin[2], Simone Iff, les 343 du manifeste et toutes les militantes du MLAC (Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception), de Choisir la Cause des femmes, du Planning Familial et d’autres associations.

La commémoration des 40 ans du discours de Simone Veil, le 26 novembre 2014 a donné lieu à de nombreux témoignages sur la personnalité de Simone Veil, les paroles honteuses osées par la droite ont largement été évoquées.
On a moins parlé de la réaction des mouvements féministes de l’époque face à cette loi : était-ce l’euphorie collective, l’affirmation d’une liberté enfin gagnée par les femmes ? Les critiques contre la loi se sont rapidement exprimées. L’une d’elle a porté sur la nécessité d’une loi : ne suffisait-il pas d’abroger la loi de 1920, de faire que l’avortement ne soit pas une affaire de loi, mais un simple acte médical décidé par la femme ?
Les limites de la loi de 1975 ont largement été dénoncées. Elle est apparue comme un instrument de contrôle et de division des femmes. Contrôle à travers les entretiens obligatoires pour avoir accès à l’IVG. Division entre les riches et les pauvres (l’IVG n’était pas remboursée par la Sécurité Sociale), les françaises et les étrangères (ces dernières devaient disposer d’une carte de séjour) les majeures et les mineures (elles devaient avoir l’autorisation parentale).
Ces nombreuses étapes à franchir avant d’accéder à l’IVG ont pour but de dissuader et culpabiliser les femmes. La longueur des démarches réduit considérablement le nombre de femmes qui peuvent avoir recours à l’IVG.


Cette loi est dénoncée comme « hypocrite et mensongère » par certaines car elle ne permet pas à TOUTES des femmes d’avorter dans de bonnes conditions.
Certains partis politiques expriment eux aussi leur critiques, ainsi le PSU (Parti Socialiste Unifié), à travers une lettre ouverte aux députés publiée en novembre 1974, affirme : « les femmes sont considérées comme mineures puisqu’elles devront subir toute une procédure de dissuasion avant d’être libres de leur choix. Le temps perdu à ces « formalités », à cette semaine de réflexion culpabilisante dépassera vite la limite fixée à 10 semaines. L’avortement clandestin ne sera pas supprimé (un curetage à l’hôpital, lui, remboursé coûtera moins cher qu’un avortement non remboursé) »

La loi de 1975 interdit toute information et propagande par l’écrit, la parole et l’image en dehors des publications médicales : il s’agit, en fait, d’empêcher toute information et toute diffusion de l’information.
Le MLAC reconnaît pourtant que cette loi « fait reculer un peu du malheur des femmes. La lutte en ce domaine comme en tous les autres a payé »
Dans un meeting du MLAC, le 15 novembre 1974, Monique Antoine déclarait : « ils ne s’y sont pas trompés là-haut, c’est qu’au-delà de l’avortement et de la contraception, les femmes ont commencé à prendre la parole, on ne pourra pas la leur reprendre ».

Peut-on dire qu’en 40 ans, la parole ne nous a pas été reprise ? Depuis 1974, nos luttes ont continué, elles ont permis que la loi sur l’IVG soit améliorée (remboursement par la Sécurité Sociale en 1982, prise en charge à 100% en 2013, levée du caractère obligatoire de l’autorisation parentale pour les mineures et de l’entretien pré-IVG pour les majeures en 2001…), que les réactionnaires ne puissent pas nous imposer leur volonté, eux qui déclaraient en 1974 : « la folie érotique s’est partout répandue, l’avortement fait partie de la révolution sexuelle... ce projet sapera les bases de la civilisation ».

Oui, les femmes ont pris la parole en 1974, elles l’avaient déjà prise en 1789, dans les années 1900 avec les suffragettes, en 1914 contre la guerre, en 1940 dans la Résistance, en 2000 pour la Marche mondiale des femmes et à bien d’autres moments.
A nous de garder la parole dans la voie qui nous a été ouverte par toutes les femmes qui nous ont précédées ! A nous aussi d’affirmer NOTRE parole et de mener NOS luttes en 2015.
                                                                                             C.R.



[1] Monique Antoine fut présidente du MLAC
[2] Annie Ferrey-Martin, médecin au Planning de Grenoble


Le dernier numéro de D’Ebats Féministes peut être retrouvé sur le site régional du Planning :
http://www.leplanning-rhonealpes.org/les-associations/rhone/

 

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