Contraception d’urgence : une enquête accablante !




(Super Féministe aime bien de temps en temps les gros titres racoleurs)




Dans notre pratique au Planning Familial 69, on a souvent des témoignages de femmes qui ont été confrontées à des difficultés d’accès à la contraception d’urgence (pour les mineures qui normalement devraient l’obtenir gratuitement en pharmacie) et/ou à des messages erronés (et alarmistes) diffusés par les pharmacien-ne-s.
Afin de mieux évaluer la fréquence de ces pratiques, nous avons décidé de réaliser une petite enquête : au cours du mois de décembre 2011, nous avons proposé un questionnaire aux personnes qui venaient au Planning Familial de Villeurbanne, si elles avaient eu l’occasion de demander la contraception d’urgence (CU) en pharmacie au cours de l’année écoulée.

24 questionnaires ont pu être analysés : une petite série qui n’a sans doute pas une grande pertinence statistique, mais qui dégage, sur le plan quantitatif, des tendances très intéressantes. Voici les résultats obtenus :

1 - Concernant les mineures (au moment de la demande de CU) : 3 sur 11 se sont vues refuser la délivrance de la contraception d’urgence faute d’avoir pu présenter une pièce d’identité. Finalement, 2 ont pu obtenir leur contraception, mais en la payant. Cette condition de devoir présenter ses papiers est arbitrairement fixée par les pharmacies et se situe hors cadre légal. Les refus de délivrance ou de gratuité sont systématiquement associés à l’impossibilité de présenter une pièce d’identité. On peut envisager deux hypothèses : face à une demande de contraception d’urgence, 1- soit la majorité des pharmacies demandent une pièce d’identité (hors cadre légal) et la majorité des mineures sont en mesure de répondre à cette exigence abusive, 2- soit une minorité de pharmacies sortent du cadre légal en demandant une pièce d’identité. Cette enquête n’est pas en mesure de savoir quelle pratique est la plus fréquente. En tout cas, cette mesure constitue un vrai obstacle pour les mineures, qui doivent montrer leurs papiers alors même que la loi garantissait l’anonymat, qui doivent parfois faire plusieurs pharmacies pour obtenir une CU gratuite, et qui même pour certaines renoncent de ce fait à prendre une CU.

2 - Seulement 4% des pharmacies délivrent un message explicatif sur l’usage (2/24). 40% ne délivrent aucun message (10/24).
Près de la moitié des pharmacies délivrent des messages scientifiquement faux (11/24 soit 44%) avec par ordre de fréquence :
-          « On ne peut pas la prendre plus de trois fois dans sa vie » (8/24 soit 32%),
-          « Ça peut rendre stérile » (6/24 soit 24%)
-          « C’est dangereux pour la santé » (4/24 soit 16%)
L’absence d’information au moment de la délivrance de la CU, et notamment sur ses effets secondaires fréquents tels que la perturbation du cycle, le déclenchement de saignements, peut être source d’angoisse : il n’est pas rare que des femmes nous appellent pour exprimer leur inquiétude.
Les messages alarmistes délivrés à tort (parfois en toute bonne foi, parfois pour « dissuader » de recommencer) ont des conséquences importantes : certaines femmes renoncent à une CU de peur de devenir stériles, et viennent nous voir ensuite pour une IVG, d’autres ayant déjà pris plusieurs fois une contraception d’urgence se croient stériles et multiplient les rapports sans protection pour « tester » (plus moins consciemment) leur fertilité…
Alors, rappellons-le : la contraception d'urgence n'est pas dangereuse pour la santé. Elle ne rend pas stérile. Aucune étude n'a jamais fixé un nombre limité de prises.
Ceci dit, elle reste un médicament, avec des effets secondaires (principalement des perturbations du cycle, mais aussi pafois des nausées...) et a été conçue comme une méthode "de rattrapage" après un risque plus que comme une contraception.

3 - Plus de la moitié des pharmacies ne délivrent pas d’information sur la nécessité d’un test de grossesse après une contraception d’urgence (13/24 soit 52 %). Or certaines personnes croient que la prise d’une CU après un risque les protège à 100 %, ou ignorent que la survenue de saignements n’est pas une preuve d’efficacité, ce qui peut conduire à découvrir une grossesse avec retard.

Conclusion :

Concernant la délivrance de la contraception d‘urgence, des pharmacies ne respectent pas ou ne connaissent pas la législation en demandant les papiers d’identité.
Les informations données à la délivrance de la contraception d’urgence concernant ses conséquences et son efficacité laissent penser que les connaissances scientifiques ne sont pas actualisées pour la moitié des pharmacies.
Une étude de plus grande envergure permettrait de préciser cette tendance. L’amélioration du contenu de la formation initiale et l’accès pour les pharmaciens et les préparateurs en pharmacie à une formation continue indépendante sur cette thématique permettrait de répondre aux carences d’information.

Alors que pouvons-nous faire ? Bien sûr, de manière ponctuelle, il nous arrive d’appeler directement les pharmacies mises en cause par des mineures, afin de leur rappeler la loi. Et nous avons souvent alerté les instances concernées sur ce problème. Nous avons fait également par le passé un travail auprès de l’Ordre des pharmaciens pour que, par l’intermédiaire de sa revue, les professionnel-le-s bénéficient d’une meilleure information sur la contraception d’urgence. Pourtant les pratiques des pharmacies n’ont que peu évolué, et on découvre même la propagation rapide de nouveaux « mythes » (l’idée d’une limite de 3 CU au cours de la vie date d’un ou deux ans par exemple). Notre projet cette année, en partenariat avec un syndicat de pharmacien-ne-s, est de proposer de véritables sessions de formation/sensibilisation, qui aborderaient les aspects médicaux et légaux de la question.

Quelques références :
Loi n° 2000-1209 du 13 décembre 2000 relative à la contraception d'urgence. Journal Officiel 2000;14 décembre:19830.
Décret n° 2002-39 du 9 janvier 2002 relatif à l a délivrance aux mineures des médicaments ayant pour but la contraception d'urgence. Journal Officiel 2002;10 janvier:590-1.
Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, Institut national pour l'éducation en santé. Stratégies de choix des méthodes contraceptives chez la femme. Recommandations pour la pratique clinique. Saint-Denis La Plaine: ANAES; 2004. http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/rapport_contraception_vvd-2006_2006_10_27__12_57_59_515.pdf
Références de la revue Prescrire (disponibles à la doc du Planning) :
"Contraception postcoïtale" Idées-Forces Prescrire mises à jour octobre 2011:5 pages.
"Lévonorgestrel-Norlevo°. Pour la contraception d'urgence" Rev prescrire 1999;19(199):643-646.
"Lévonorgestrel 1,5mg : le conseil est important". Rev Prescrire 2007;27(290):904.
"Contraception postcoÏtale sans prescription : pas de dérapage". Rev Prescrire 2006;26(270):208.
"Ulipristal-Ellaone°. Contraception postcoïtale : pas mieux que le Lévonorgestrel" Rev Prescrire 2009;29(314):886-889.


                                        Bureau des Affaires Vaginales et Antoinette FonK

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