Collecte solidaire de protections hygiéniques lors de la boum Super Féministe !
Le Planning Familial 69 a sollicité
l’association Règles Elémentaires, qui lutte contre la précarité menstruelle,
pour organiser une collecte de serviettes hygiéniques, tampons, coupes
menstruelles, etc.
Règles Elémentaires a été créée en 2015,
devant le constat que les protections hygiéniques, ça coûte cher, et que les
femmes les plus précarisées, SDF, mal logées, connaissent de vraies difficultés
au moment de leurs règles.
Nous vous proposerons donc une boîte de
collecte pendant la boum d’anniversaire de Super Féministe, et, par la suite il
y aura une boîte dans les locaux du Planning.
Pour en savoir plus sur Règles Elémentaires,
vous pouvez aller voir le site de l’association, qui explique notamment comment
organiser une collecte lors d’un événement, dans son asso ou sur son lieu de
travail…
Vous pouvez également lire les interviews
ci-dessous, publiées dans le dernier numéro de la publication du Planning 69
D’Ebats Féministes.
"La moitié de l’humanité a
ses règles tous les mois.
C’est une réalité
et pas un luxe qu’on peut
se permettre de mettre de côté."
Discussion avec Marine et Chloé de l’association
« Règles Elémentaires »,
qui collecte des produits d’hygiène intime pour
aider les femmes les plus précaires.
Le 22 janvier 2019, deux bénévoles de la toute
jeune association « Règles Elémentaires » ont accordé un entretien
téléphonique à D’Ebats Féministes ! Marine, membre de l’antenne
parisienne, revient sur la genèse du projet, né en novembre 2015 sur une idée
de Tara Heuzé-Sarmini, aujourd’hui présidente-fondatrice de Règles
Elémentaires. Depuis, le projet a pris de l’ampleur et ce sont plusieurs
associations réparties sur tout le territoire français qui mènent une action
quotidienne contre la précarité menstruelle. L’antenne lyonnaise a été la
deuxième association à voir le jour après la première à Paris. C’est Chloé qui
nous la présente dans la deuxième partie de l’entretien… On les remercie toutes
les deux chaleureusement !
« Je vais lancer la même
chose ! »
Le
projet solidaire de Tara Heuzé-Sarmani
Lorraine :
En préparant l’entretien, j’ai visité votre site Internet et j’y ai lu que
« Règles Elémentaires » était la « première association en
France de collecte de produits d’hygiène intime à destination des femmes sans
abri et mal logées ». Pourquoi, selon toi, ce problème n’a jamais été pris
en compte auparavant ?
Marine :
Je pense qu’il est difficile d’établir un diagnostic sur la raison qui fait que
cela n’a pas émergé avant, d’autant plus que cela a émergé en amont dans les
pays anglos-saxons. Aux Etats-Unis, en Angleterre, c’est quelque chose qui se
fait depuis plus longtemps dans différentes structures. Et c’est justement
lorsque Tara - qui a fondé l’association - est partie faire ses études au
Royaume-Uni qu’elle a vu que ce genre d’associations existait. Cela a été le
point de départ de Règles Elémentaires. Lorsqu’elle est revenue en France elle
s’est dit « Je vais lancer la même chose », c’est-à-dire : des
collectes de protection périodiques pour des femmes en précarité. Nous avons
deux objectifs principaux dans notre asso : le premier est la collecte de produits.
Le
deuxième nous tient tout autant à cœur, comme deux jambes sur lesquelles on
marche : la deuxième jambe c’est de briser le tabou des règles et d’en
parler de plus en plus. Ce tabou est une des raisons qui peut expliquer le fait
que cette initiative-là n’ait pas émergé avant. Il est difficile de parler du
corps des femmes, d’autant plus des femmes en situation de précarité et des
règles de ces femmes-là.
« Tout
le monde peut mettre en place une collecte ! »
Lorraine :
Pour ces deux buts là que vous vous donnez, quelles actions mettez-vous en
place concrètement ?
Marine :
Le but de l’association Règles Elémentaires c’est de collecter un maximum de
protections périodiques sur tout le territoire. Tout le monde peut participer
aux collectes de protection. Tout le monde peut lancer une collecte, qu’elle
soit provisoire (quelques jours, quelques heures même) ou pérenne. Le principe
est de se rendre sur le site de Règles Elémentaires (www.regleselementaires.com)
où il y a un formulaire sur lequel on renseigne le lieu de la collecte et les
dates. On a une bénévole qui est en charge spécifiquement des collectes, qui
jette un coup d’œil avant de la valider et de la faire apparaître sur la carte
de France (qui regroupe toutes les collectes en cours). Tout le monde peut s’en
emparer et en organiser une. On a énormément de commerçant.e.s, de médecins,
d’établissements scolaires qui en ont organisé. On a aussi des collectes qui se
sont organisées pendant les fêtes de famille, on a une bénévole qui a organisé
une collecte lors de son mariage. Il n’y a pas de format type. Chacun.e peut
organiser une collecte. Nous on met en contact le collecteur ou la collectrice
avec un organisme partenaire qui s’occupera de la redistribution.
Règles Elémentaires en quelques chiffres :
+ de
300 000 tampons et serviettes ont été redistribués.
+ de
20 000 femmes bénéficiaires
+ de
250 collectes organisées partout en France
+ de
300 organisateurs/trices réparti.es sur tout le territoire
« Briser
le tabou des règles »
Lorraine :
Même si les collectes en elles-mêmes rendent visibles les règles et participent
à lever le tabou autour d’elles, y’a-t-il d’autres actions spécifiques que vous
menez sur cette question du tabou ?
Marine : Absolument. Et c’est un de nos objectifs de
2019 pour faire avancer l’association sur ce sujet-là. Très régulièrement, de
la même manière que le Planning Familial, on est sollicitées pour des ateliers,
des interventions auprès de Mairies qui vont organiser une table-ronde, de
grandes entreprises qui nous sollicitent pour en parler… Même si nous sommes
toutes et tous bénévoles, on essaye de se rendre disponibles pour des
interventions. Et ce qu’on voudrait en 2019, c’est vraiment lancer nous-mêmes
des ateliers de sensibilisation, sur différentes thématiques autour des règles
et de la précarité menstruelle principalement.
« Les
règles ont un coût ! »
Lorraine :
Pourrais-tu définir ce que tu entends par « précarité
menstruelle » ?
Chloé :
Oui bien sûr. Ce qu’on entend par « précarité menstruelle » c’est le
fait que les règles ont un coût duquel on parle rarement. Et ce coût là on
estime qu’il faut en parler. Quand on parle de femmes en précarité ça peut
être, par exemple, des étudiantes qui n’arrivent pas à acheter leurs protections
périodiques… La précarité menstruelle c’est le fait que les règles coûtent
cher, tout simplement. L’achat de protections chaque mois, cela a un coût et
c’est un problème dont il faut se saisir.
A
quand des protections gratuites pour toutes ?
Lorraine : J’ai
vu que l’Université de Lille, depuis cette année, distribue 30 000 kits de
protections hygiéniques aux étudiantes sur ses campus. Et ailleurs, en Ecosse,
des protections hygiéniques sont mises à disposition gratuitement pour les
élèves et étudiantes des établissements scolaires et universitaires. Alors je
me demandais comment vous, chez Règles Elémentaires, vous pensez vos actions à
long terme et en particulier l’accès et la prise en charge des produits
d’hygiène pour toutes les femmes ? Comment voyez-vous l’avenir de votre
action ?
Chloé :
Effectivement, il y a eu un basculement quand l’Ecosse a décidé en 2017 de
lancer un programme pilote pour permettre à des milliers de femmes de
bénéficier gratuitement de protections périodiques. On a vu qu’il y a eu un
basculement notamment parce que suite à cela, l’association Règles Elémentaires
a été convoquée au Sénat pour être auditionnée. On voit qu’institutionnellement
les choses s’organisent et cela a été une bonne surprise pour nous d’être reçu.e.s.
C’est un tout petit pas mais on voit quand même que les institutions prennent
la mesure du coût que cela représente chaque mois. En 2015, le taux de TVA a
été abaissé à 5,5%. On s’en est félicité évidemment ! En revanche la
baisse de la TVA n’a pas été répercutée sur les prix, je pense qu’aucune femme
n’a vu de baisse sur le coût de ses protections périodiques chaque mois. Les
fabricants ou les distributeurs ont récupéré les marges.
Pour ce qui est de la mise à
disposition gratuite des protections périodiques, évidemment on suit ça de près
et on aimerait à terme que des mesures semblables aboutissent en France. Mais
on sera très attentives dans l’association à la forme que pourra prendre cette
mise à disposition gratuite : pour qui ? Est-ce que ce sont les
étudiantes ? Les femmes en
situation de précarité ? Les femmes dans la rue ? Qui sera
concerné ? Et on sera particulièrement vigilantes sur ce point : de
nombreuses protections hygiéniques contiennent des substances toxiques. Je
pense aux tampons notamment, mais aussi aux serviettes. Dans ce cas, mettre des
produits à disposition : oui, mais des produits qui soient absolument sans
danger pour le corps des femmes. On sera très attentives aux conditions dans
lesquelles cette gratuité sera mise en place.
________
A
Lyon : de la « collecte perso » aux 9 boites à dons permanentes
Lorraine :
Peux-tu nous raconter comme s’est créée l’antenne « Règles
Elémentaires » à Lyon ?
Chloé :
Il y a eu une première impulsion en janvier 2017. J’ai voulu créer ma collecte
perso, comme on l’incite à faire. J’ai récolté beaucoup de produits, juste par
mon réseau personnel et je trouvais dommage de laisser toute la motivation de
tous ces gens qui étaient à Lyon, parce que c’était une première. Donc je suis
restée en contact avec Tara.
Quelques mois plus tard, en septembre
2017, elle m’a dit qu’elle souhaitait développer l’association et qu’elle
aimerait commencer à Lyon, pourquoi pas avec moi. On s’est rencontrées, on a
mis ça en place. A l’initiative de Tara, une première boite à dons a été
installée à la maison des associations dans le 4e à Lyon, où on a
fait une soirée de lancement. David Kimelfed [Président de la Métropole et
Maire du 4e], est venu sur place ainsi que Claire-Lise Niermaréchal
[Chargée de mission auprès de Thérèse Rabatel – déléguée à l’Egalité
Femmes-Hommes à la Ville de Lyon]. Il y avait du beau monde pour ce lancement
officiel et cela nous a motivé.e.s à nous dire qu’il y avait des choses à faire.
Claire-Lise Niermaréchal a été d’un grand soutien quand, le 8 mars 2018
(Journée International de lutte pour les droits des femmes), on a lancé 9
boites à dons partout dans Lyon. Dans plein de lieux différents : des
mairies, mais aussi des centres sociaux et toujours à la Maison des
associations du 4e. La ville a voulu soutenir l’association en
prenant en charge une boite à dons. Et ils ont financé les neuf boites à dons
que nous avons placées partout dans Lyon.
Où déposer des dons à Lyon ?
·
Maison
des associations du 4e arr. (28 rue Denfert
Rochereau).
Le
mardi de 18h30 à 21h.
·
Cité
Scolaire Internationale (2
Place de Montréal, 7e arr.)
Du
lundi au vendredi de 8h à 17h30.
De
la collecte à la redistribution
Lorraine :
Comment fonctionnent concrètement la collecte et la redistribution ? Avec
qui travaillez-vous ? Peux-tu me parler du pratico-pratique ?
Chloé :
Ce sont des lieux publics, qui accueillent de façon permanente une boite à dons
« Règles Elémentaires », là où le grand public peut venir déposer ses
dons : serviettes, tampons, cups, lingettes. Il y a un.e référent.e dans
chaque lieu qui nous passe un petit coup de fil quand les boites sont pleines.
Un.e bénévole de l’association va sur place, récolte les dons, fait un inventaire
et ensuite on écrit à nos partenaires redistributeurs.
Nous
ne faisons pas nous-même de redistribution mais nous sommes bien une
association de collecte. On laisse la redistribution à des professionnels qui
peuvent aborder les personnes en situation de précarité sur ces thématiques. On
les contacte pour savoir quels sont leurs besoins à l’instant T et on leur
redistribue les produits au fur et à mesure.
Lorraine :
Quels sont les produits dont vous avez le plus besoin ? Si là une
salariée, une adhérente ou une militante du Planning Familial, qui lit ce
bulletin, souhaite faire un don dans une de vos boîtes, quel(s) produit(s)
serai(en)t prioritaire(s) ?
Chloé :
Les retours qu’on a c’est que ce sont plutôt les serviettes hygiéniques qui
sont à favoriser. Après, nous on collecte tout ce qui est possible et on
redistribue en fonction des demandes.
« Participer
à des événements où on ne nous attend pas »
Lorraine :
Peux-tu nous parler de l’antenne locale et de vos projets à venir ?
Chloé :
à Lyon on est une toute petite équipe. Dans un futur proche, l’idéal serait de
développer l’équipe de bénévoles. Il faudrait aussi pouvoir fluidifier la
logistique et répondre le plus rapidement à tous nos partenaires. Comme pour
toute association, l’équipe est 100% bénévole et on a tou.te.s des jobs à côté.
En 2019, on souhaite pérenniser notre présence sur des événements, avec nos
partenaires. Le Shnek Fest[1],
fin avril, nous a sollicité.e.s… Il y a des événements comme celui-là où on a
envie d’être et auquel cela nous fait plaisir d’être.
Lorraine :
J’ai posé cette question à Marine aussi : quelles sont vos actions pour
« briser le tabou des règles » ?
Chloé :
On essaye de déconstruire tout ça en en expliquant notre démarche, en
participant à un maximum d’événements et en allant aussi là où on ne nous
attend pas : pas forcément des événements sur la précarité, par forcément
des événements féministes… Et quand même mon petit plaisir ça a été, pour la
journée du 8 mars 2018, de présenter l’association auprès de tou.te.s les
élu.es à l’Hôtel de Ville…
Et
petit à petit d’enfoncer des portes ouvertes comme de dire : « la moitié de
l’humanité a ses règles tous les mois, c’est une réalité et pas un luxe qu’on
peut se permettre de mettre de côté ».
C’est
avec ce genre de petites prises de conscience qu’on y arrivera je pense.