Cerveau de mec, cerveau de fille?

Soyons bien d'accord : il n'y a aucune différence entre un cerveau d'homme et un cerveau de femme.
Sauf qu'apparemment, c'est une idée reçue tenace. Très très très tenace.

Et utilisée pour justifier pas mal de choses.

Lu, entendu, vu : des images « humoristiques » vraiment pas drôles, les explications extraterrestres, des « témoignages » et « intuitions », aux explications scientifiques plus ou moins poussées (par des psychanalystes, des bloggueurs, des dossiers de magazines en lignes divers, des associations dont la scientificité ne saute pas aux yeux, des études vénérables datant de 1996) une simple recherche google (ou mieux, duck duck go) vous prouve la large diversité des tenants de la différenciation de nos petites cellules grises.
Le plus drôle (citation que l'on retrouve partout, véritable hoax de neurogénétique)?

En fait, nous appartenons à deux « espèces » différentes !
À cette époque où l’on vient d’achever les premières phases de décryptage du génome humain, vous savez peut-être qu’on a pu montrer que l’homme et le singe possèdent un patrimoine génétique de base, commun à 98,4 % ; ce qui laisse 1,6 % de différence seulement… contre environ 5 % de différence génétique entre l’homme et la femme . Ainsi, un homme mâle est physiologiquement plus proche d’un singe mâle que d’une femme !
… Et, naturellement, les guenons sont proches des femmes !

Bon. On peut rire un peu.

En revenant à nos moutons, et sérieusement, on peut chercher du coté de Catherine Vidal, auteure d'un excellent « Hommes, femmes : avons-nous le même cerveau ? », aux petites pommes du savoir (entre autres).
Tout d'abord, la personne. Catherine VIDAL est neurobiologiste, Directrice de Recherche à  l'Institut Pasteur, membre du Comité Scientifique " Science et Citoyen " du CNRS. 



Ensuite, le livre. Petit traité de 55 pages, magnifique de concision et de précision, il m'a appris plusieurs choses.
D'abord : un cerveau humain n'a de sexe que dans la mesure où il contrôle la production d'hormones sexuelles. Dans ce cas oui, il y a une « différence » mais elle peut varier d'un humain à l'autre sans faire mention du « sexe ».
Ensuite : les différences cognitives innées entre les sexes n'existent pas. Ka-Boom. Les femmes ne sont pas naturellement plus sensibles ou douées en langues, et les hommes ne sont pas naturellement plus forts en maths et en orientation. C'est de l'acquis, du culturel.

Mais pourquoi? Grâce à la plasticité phénoménale du cerveau. Notre cerveau, il faut le savoir, s'est tout plissé avec l'évolution, pour devenir plus gros et plus complexe. Il est extraordinairement adaptable et peut se modifier avec le temps, les apprentissages, l'éducation. Et il travaille sans même qu'on le veuille : les bébés filles et garçons sont dès leur naissance traités différemment par leurs parents (même sans le vouloir) et l'enfant le perçoit (sans non plus le vouloir). Les normes genrées sont tellement puissantes, invisibles et ancrées en nous, que pour certains elles ont acquis un caractère de nature ; qu'elles n'ont pas.

(exemple de norme genrée repiqué sur un forum de parents: mon fils est très énergique, grimpe partout, est du genre « dégourdi »...Bref, les gens me disent avec un sourire "et oui, c'est un garçon" . Si c'était une fille on dirait " qu'elle est pénible cette enfant", c'est ce qu'on disait de moi à son âge alors que mon fils est finalement comme sa mère... Le fils d'une amie est plutôt calme, réservé, pas téméraire pour deux sous, il à l'inverse du mien et est qualifié de "tempérament féminin" et l'on va même jusqu'à se questionner sur sa future identité sexuelle. Avec les garçons on ouvre plus facilement la porte pour les laisser courir, sauter, crier ; les filles doivent être sages, douces, délicates sous peine de se faire traiter de garçon manqué... )

Oui mais, rétorquerez vous, les hormones, elles conditionnent les comportements!! C'est bien connu, la testostérone ça rend agressif, et les oestrogènes ça rend gentil et maternel! (je caricature volontiers). Et bien... oui et non. Les hormones conditionnent notre développement physique et sexuel et sont importantes dans certaines périodes (grossesse, ménopause) mais, comme l'explique C. Vidal, notre hypothalamus seul contient des récepteurs hormonaux en quantité suffisante, notre cortex n'en contient quasi pas (contrairement aux grands singes sus cités). Difficile alors d'invoquer les hormones dans nos comportements quotidiens (lire une carte, faire des maths, faire le ménage... ) qui sont nés du cortex.

En conclusion? Les femmes et les hommes ont tous des cerveaux différents, et les fonctions cognitives ne sont définitivement pas impactées par le sexe ; elles sont en revanche impactées par l'éducation genrée et hiérarchisante, qui revient bien souvent à caricaturer à la fois les femmes (ces petites choses sensibles qui ne savent pas lire une carte) et les hommes (ces gros balourds qui ne pleurent jamais et ne savent pas repasser).

petite webographie rapide (au delà du livre qui coûte 5€):


http://blog.plafonddeverre.fr/post/Genre-et-variations-d-hormones (article du blog plafond de verre sur les hormones)


Lara Neutron

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