IVG : de bonnes nouvelles, de mauvaises, et une métaphore maritime
Les bonnes nouvelles, ce sont 2 mesures visant à
améliorer le droit à l’IVG, que le gouvernement vient de faire passer (des
promesses électorales tenues ! ca tient du miracle !) :
La
1ère est un décret qui prévoit la prise en charge de l’IVG à 100% par la
sécurité sociale. Dès à présent, avec une carte vitale à jour, il
n’y a plus d’avance de frais à effectuer (du moins en milieu hospitalier).
Auparavant, la sécu prenait en charge à 80% l’acte d’IVG, les 20% restant étant
remboursés par les complémentaires (la plupart incluent l’IVG dans leurs
prestations)… Mais toute une partie de la population n’a pas accès à une
mutuelle, et pour les jeunes majeures souhaitant garder le secret sur leur IVG,
utiliser la mutuelle des parents était problématique. On va ainsi vers plus d’égalité
dans l’accès à l’IVG. (A noter : les personnes en rupture de droits ou en
situation irrégulière peuvent faire une demande d’Aide Médicale d’Etat en
urgence – accordée sous condition de ressources – pour la prise en charge de
leur IVG)
La
2ème mesure est ce qu’on appelle « la revalorisation de l’acte ».
Elle était demandée depuis longtemps par les professionnel-le-s de l’IVG et les
associations qui se mobilisent sur cette question. En effet, il était notoire
que l’acte d’IVG (on parle ici des IVG par aspiration) était largement
sous-évalué : il coûtait plus cher à l’hôpital que ce qu’il rapportait. Ce
qui expliquait en grande partie le désengagement de l’activité d’IVG par les
établissements, notamment les cliniques privées. C’était aussi l’une des
explications avancées pour justifier les restructurations des centres d’IVG que
l’on connaît actuellement à Lyon. Le coût de l’IVG a donc été augmenté de 40 à
50% selon les techniques (par exemple, une IVG par aspiration sous anesthésie
locale passe de 306,14 € à 437,03 €).
Il
est difficile de dire si cette réévaluation est complètement à la hauteur des
besoins et si elle va réellement permettre de stopper les suppressions de CIVG,
mais en tout cas cela va dans le bon sens.
Pourtant,
pas sûr que ces bonnes nouvelles viennent contrebalancer les nouvelles locales
tombées dernièrement : car il ne suffit pas qu’un droit soit inscrit dans la loi
(et même amélioré en principe) pour qu’il soit garanti dans les faits.
L’exemple de l’IVG est caractéristique de ce paradoxe, et invite tous les
mouvements sociaux à ne pas arrêter leur combat à l’obtention d’une loi.
Tout
d’abord : on a franchi un nouveau cran dans les restructurations en cours
à Lyon (voir le post sur les épisodes précédents, qui lui même comporte des
liens vers d’autres épisodes). A l’hôpital Lyon Sud, le démantèlement du centre
d’IVG et l’intégration des lits d’hospitalisation au service de gynéco se
faisait avec la promesse des HCL de maintenir l’offre de soins. On a déjà
montré que la baisse d’activité était prévisible (avec à terme la condamnation
du service), puisqu’il n’y a pas toujours quelqu’un pour répondre au
téléphone : les femmes en recherche de places se reportent alors sur les
autres centres lyonnais. Mais on a également appris récemment que l’engagement
des HCL de maintenir des places au bloc opératoire (plages horaires réservées)
pour les interventions était déjà bafoué. Dans un contexte de concurrence pour
l’accès au bloc, les plages réservées aux IVG qui ne seraient pas attribuées 1
semaine à l’avance seraient tout simplement utilisées pour d’autres
interventions de gynéco. Le tout sur fond de discours accusateur envers les
professionnel-le-s de l’IVG (et scandaleux pour le droit des femmes à choisir
leur méthode d’intervention) : « vous faites trop d’anesthésies
générales ». Les conséquences immédiates sont des délais d’attente qui
vont s’allonger, et l’impossibilité de programmer des IVG en
« urgence » (cela concerne notamment les femmes qui découvrent leur
grossesse tardivement et ont parfois du mal à trouver une place sur Lyon).
Cette décision aurait été prise sans aucune concertation par un médecin chef
qui n’est pas impliqué dans l’organisation des IVG… et on ne sait pas dans
quelle mesure elle a été cautionnée par l’administration… Mais c’est justement
ce que nous dénoncions : quand on supprime les centres d’IVG autonomes, et
qu’on intègre l’activité à un service plus large, l’IVG devient une activité
parmi d’autres, jamais prioritaire, et sans une volonté forte des responsables,
sans équipe structurée pour la défendre, elle est condamnée à disparaître.
Heureusement ce nouveau dérapage a provoqué une réaction des professionnel-le-s
impliqué-e-s dans l’activité d’IVG à Lyon Sud : réuni-e-s pour la 1ère
fois depuis très longtemps, ils/elles auraient obtenu une annulation de cette
mesure, et en ont profité pour demander… une réouverture du centre d’IVG tel
qu’il existait auparavant !
Par
ailleurs le Collectif IVG a rencontré le Directeur Général des HCL le 28 mars, et
lui a signalé toutes ces dérives. Nous lui avons remis les 2500 pétitions
recueillies contres les restructurations, et avons présenté notre argumentaire.
Il nous a dit combien il entendait veiller au maintien de l’engagement de
l’hôpital public dans l’IVG (tactique de la bonne parole), et s’est excusé de
ne pouvoir répondre concrètement à aucune de nos questions puisqu’il prenait
ses fonctions et ne connaissait pas bien le dossier (tactique « je botte
en touche »). Mais surtout, ce que nous retenons de cet entretien – et
c’est là qu’intervient la métaphore maritime – c’est qu’il faudra bien
« réduire la voilure ». Traduction : l’Hôpital a des
difficultés, il doit continuer à faire des économies, on ne peut pas aller
contre le sens de l’Histoire, on est « dans la vraie vie » (tactique un
tantinet paternaliste du « soyez-donc raisonnables »), et à terme on
supprimera des centres d’IVG pour en garder un ou deux. Vous imaginez 4300 IVG
par an dans un centre géant (ou même 2) ?
Nous,
non. Autant dire qu’on n’a pas fini de se battre !
A.FonK